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9 octobre 2013

Allez, je te laisse partir JP

Depuis un an, j’ai débuté ce billet à maintes reprises. Pour l’abandonner, laissé à lui-même dans les méandres de la corbeille de Windows Vista. Parviendrai-je à le rendre à terme ce matin ? Il le faut, coûte que coûte. Parce que la pensée de celui-ci me ronge, m’empêche de m’envoler, l’esprit léger.

Tu es parti le 18 mars 2012, après avoir combattu avec sérénité le cancer de la langue. Le 31 mars, nous te rendions un dernier hommage, en l’église Saint-Benoît-Abbé. Ce samedi-là, mon être s’est cassé. Tout ce que j’ai pu écrire sur ce moment est ceci, le 4 avril 2012:

Samedi dernier, en l’église Saint-Benoit-Abbé, j’ai livré mon éloge funéraire pour mon parrain Jean-Paul. L’introduction et la conclusion figureront parmi les moments les plus difficiles de ma vie. Les sanglots m’ont étreint la voix et j’avais toute la misère du monde à articuler. Rien ne voulait sortir. L’idée d’abandonner, de crier au secours m’est passée à l’esprit pendant quelques secondes. J’étais figé devant mon texte, devant mes enfants, ma sœur, mon père, ma marraine, mes oncles et tantes Fortin. Je ne sais pas comment j’ai fait pour continuer. Un gars, surtout un papa, c’est connu, ça ne doit pas pleurer en public! Là, dans la chaire où j’ai vu les prêtres prêcher pendant mon enfance, je revivais une quarantaine d’années d’histoire.

Depuis, plus rien. Aucune ligne sur le sujet. La souffrance doit sortir de mon corps. Tous les jours, le petit pêcheur et le bûcheron me saluent et me rappellent de te laisser rejoindre famille et amis en paix.


Je n’y arrive pas. Je fixe l’écran depuis quatre-vingt dix minutes. Trois paragraphes. Les mots refusent de sortir. Ce 9 octobre ressemble beaucoup à ce 31 mars: ciel bleu pur, mercure à six degrés Celsius. Éclair de génie: retrouver le fameux éloge. Wow !

Les larmes coulent à la lecture de ces phrases qui furent si pénibles à livrer devant public. Ces mots que je cherche, ils sont là. Que dire de plus ? J’effectue un copier/coller dans Word.  Je publie sur Blogger et voilà.

JP, je te laisse partir. Merci pour tout.

Bonjour,
Merci d’être ici ce matin pour célébrer la mémoire de mon parrain. Il nous a appris à apprécier la vie. Comme dans la chanson de Jean Ferrat:
Et surtout pouvoir chanter | Que c’est beau, c’est beau la vie.
C’est beau la vie, en effet. Grâce à toi, Jacqueline, Annette et Cécile, tes soeurs avec qui tu partageais la maison sur Colonel Jones, j’ai appris à apprécier la beauté de la vie. À voir en tous ces gens et ces lieux des histoires plus fantastiques les unes que les autres.
Chez toi, il y avait toujours un Sélection du Reader’s Digest aux côtés de ton fauteuil berçant. Tu nous disais que dans la vie, il y avait bien d’autres façons que l’université pour s’éduquer. Qu’en étant curieux et en s’intéressant aux gens, on pouvait apprendre des tas de choses.
Aujourd’hui, en repensant à tout cela, je constate jusqu’à quel point nous, les adultes, ne réalisons pas l’impact que nous avons sur ceux qui nous entourent, en particulier les enfants.
Qui, ici, se rappelle des toutous et des petits bonhommes dans son auto? Du train électrique dans le sous-sol? Ils en ont fait parler des enfants! Les miens, ceux de ma soeur Véronique, les filles de mon cousin Marc. Et des grandes personnes aussi. Mais tu sais quoi? On s’en fout des grands. Les adultes, ils sont plattes et ils oublient la spontanéité enfantine. Toi, ainsi que ta grande amie, complice et soeur Jacqueline, vous l’aviez toujours dans vos yeux, cette spontanéité. Vous m’avez aidé, grâce à votre belle philosophie de la vie, à traverser la crise de l’adolescence. Mathieu, David, Roselyne, Laurence, Félix, Thomas, Marilou, Jolianne, n’oubliez jamais ceci en devenant des grandes personnes: il faut sourire, s’émerveiller et observer la beauté du monde!
Jean-Paul aimait beaucoup rire et avoir du plaisir. Je me souviens des morceaux de charbon reçus en cadeau, de cette pelle qu’il montait du sous-sol à chaque occasion officielle parce que je mangeais trop vite.

Jean-Paul, tu as travaillé toute ta vie dans le public, au Dominion devenu ensuite Provigo sur le boulevard St-Cyrille. Je pouvais passer des heures à t’écouter parler des commis-voyageurs et des clients bizarres qui passaient par le magasin. Pâtissier de formation, tu nous as offert des délices incroyables dont seul toi avais le secret. Que dire de cette fameuse Charlotte Russe entourée de doigts de dames? Un voyage au paradis!

Oui, chez les Côté, la joie de vivre était au rendez-vous, malgré les coups durs du destin. Je ne pourrai oublier toutes vos histoires du chalet à Cap-Rouge, des histoires de pêche au camp des prêtres du Collège de Lévis. On m’a raconté que toi et ton frère Jacques aviez construit un foyer au chalet et que vous auriez même mis le feu au champ!
Parler de toi sans parler de la mer serait oublier une part importante de ta vie. En auto, tu as arpenté les routes côtières du Québec, des Maritimes, de la Nouvelle-Angleterre et de la Floride.
Tu sais, il y a encore TA roche à Rye Beach, où je te vois encore fumer la pipe en observant la mer, savourant le temps qui passe.
La pipe. Elle nous fascinait tant. Le fameux sac vert de tabac aromatique Sail que tu ouvrais, la pipe que tu remplissais avant d’allumer et tirer. Quelle belle odeur qui changeait de celle de la cigarette dégueulasse des autres adultes!
Quand le cancer t’a pris pour cible, tu as accepté ton sort. Malgré la difficulté à te nourrir et à parler, je ne t’ai jamais entendu te plaindre. Tu as continué à te promener en auto aux quatre coins de la région de Québec. Tu as continué à pelleter ton entrée, à faire ta tondeuse. L’esprit enfantin était plus fort que jamais.

Jean-Paul, en mon nom et en celui de tous ceux qui ont croisé ta route, je te dis à la prochaine. Je te remercie d’être passé dans nos existences et de nous avoir fait goûter aux plaisirs de la vie. Je te souhaite beaucoup de joie autour du feu avec tes frères, tes soeurs, tes amis. Puisse la chorale des Côté chanter haut et fort et égayer les soirées où tu te trouves. D’ici à ce que l’on se rejoigne, Jean Ferrat nous accompagnera avec ses paroles:
Pouvoir encore regarder | Pouvoir encore écouter |
Et surtout pouvoir chanter | Que c’est beau, c’est beau la vie.

1 commentaire:

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