Vous souvenez-vous de la scène finale du film Titanic ? Celle où Rose et Jack se retrouvent debout sur l’arrière du célèbre navire qui s’enfonce dans les eaux glaciales de l’Atlantique Nord ? Ils sautent à l’eau au tout dernier moment, Rose portant une veste de sauvetage, Jack n’en ayant pas. Alors que Rose remonte à la surface, Jack s’enfonce, emporté par le tourbillon créé par le géant qui coule.
Ces derniers mois, je me suis senti un peu comme Jack, emporté vers le fond par un tourbillon néfaste qui a anéanti tous mes élans créateurs. Le Christian lumineux n’avait plus que des sursauts d’énergie. Avec le recul, j’observe que j’éprouve des difficultés à gérer le deuil. Celui auquel vous pensez, la mort d’un proche. J’ajouterais aussi celui d’un collègue de travail qui quitte son emploi pour aller relever de nouveaux défis ailleurs. Ou de celui de voir des bénévoles dévoués prendre la décision de consacrer moins de temps à leur association. Je m’attache peut-être trop aux gens ? Tout ça pour dire que lorsque l’un de ces fils me liant à une personne à qui je m’étais attaché se rompt, j’éprouve un sentiment de vide.
Trop de départs donc dans ma vie. La venue de mes 45 ans. La réalisation soudaine, le 17 avril dernier, que ma date d’expiration n’était peut-être pas dans 49 ans. Et cette putain de course trafic-boulot-hockey-études-bénévolat qui semble sans fin. L’impression de ne plus rien voir de ce qui se passe autour de moi. D’en oublier que je suis entouré de gens fantastiques, à commencer par ma blonde (je ne me ferai jamais au terme conjointe) Nathalie.
Le super héros Christian n’est plus. Le manque d’attention, l’irritabilité, le je-m’en-foutisme prennent le contrôle de mon être. Perdu, le goût d’écrire. Perdu, l’émerveillement. Perdus, les rêves d’avenir. Il n’y avait plus que ce tourbillon m’entraînant vers les profondeurs sombres et glaciales.
Par une magnifique journée de juin, lors d’une réunion à St-Léonard avec mon comité Est, Maria, la présidente, m’a regardé droit dans les yeux et m’a demandé
« Christian, tell me, qu’est-ce qui se passe avec toi ? Tu n’es plus pareil. What can we do to help you ? ». J’ai patiné pour plus ou moins répondre et suis revenu à la maison troublé au plus haut point. Quelques jours plus tard, cet appel d’une amie,
Sylvia Perreault, conférencière et ancienne présidente d'un de mes comités à la CIGM, qui me laisse sur ces mots :
« Christian, donne-toi la permission. » Donne-toi la permission, donne-toi la permission… Qu’est-ce qu’elle peut bien vouloir dire ?
J’ai fini par comprendre en me souvenant de cette anecdote racontée par le conférencier Sylvain Boudreau :
« Dans un avion, lors de la démonstration de sécurité en début de vol, ils nous disent toujours de mettre le masque à oxygène sur notre visage en premier lieu, puis sur celui des autres à nos côtés s’ils ont besoin d’aide. » Sauve-toi d’abord, si tu veux sauver les autres. « Je veux bien, mais les gens ont besoin de moi. Je suis un super héros, vous vous souvenez ? Je ne peux abdiquer ainsi. » Et ces
« donne-toi la permission… tell me… what can we do… » qui reviennent me hanter. Irritabilité, problèmes de concentration, perte d’espoir. Mon corps, malgré l’entraînement physique, n’arrivait plus à gérer le stress. Le 3 juillet, je consultais mon médecin de famille. Depuis, je suis en arrêt de travail.
Je réfléchis à ce billet depuis plusieurs semaines. Dans le dernier mois, je me suis pas mal coupé du monde, inconfortable avec l’idée d’avouer ouvertement ce que je vis.
Pourquoi sortir ainsi du placard, en m’exposant aux perceptions potentielles de faiblesse que certains auront face à moi ? Parce que le monde change. Parce que je ne crois pas en ces conférenciers et coachs en motivation et développement personnel qui professent que la vie est toujours belle et pleine d’espoir. Foutaise ! Observez la nature de près. Elle se compose de hauts et de bas. Marée haute, marée basse. Haute pression, basse pression. Sécheresse, inondations. Abondance, pénurie. Pourquoi l’être humain serait différent ?
Vous souvenez-vous du grand verglas de janvier 1998 ? Des pylones d’acier pliés par de la simple eau glacée tombée du ciel ? De ces images de dévastation, d’arbres cassés ? Aujourd’hui, la personne qui vient chez moi ne se douterait jamais que les arbres sur notre terrain n’étaient plus que des troncs, la haie complètement à terre. La nature, après une pause, a repris son chemin.
Je ferai de même. Ma nature profonde est d’observer, de faire ressortir le bien, d’aider les gens à briller. Affirmer haut et fort que je me retrouve en épuisement professionnel ne s’avère pas pour moi une faiblesse. Si certains le pensent, bien leur en prenne. Nous ne ferons tout simplement pas route ensemble.
Ma belle grande Roselyne est revenue hier soir d’un séjour de cinq semaines en Italie. Ce n’est pas rien, pour une fille de 15 ans ! Mon grand Mathieu sillonne le Québec, avec la caravane du Grand Défi Pierre Lavoie et ses trampolines acrobatiques Jumpaï. Le plus jeune, Félix, pédale à mes côtés, fier de suivre son papa sur son vélo de route Louis Garneau. La dynamique familiale change.
Le morceau est lâché. Je me sens en paix avec moi-même.
Merci la vie de m’avoir rappelé combien tu es belle.
Merci la vie, merci ma bonne étoile de m’avoir rappelé que j’étais entouré de personnes extraordinaires qui veulent mon bien.
Sylvia, j’ai compris. Je me suis donné la permission. Merci.
Au plaisir de vous lire.