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28 avril 2013

Mon père, ce héros silencieux

Le 17 avril 2013, notre monde immuable a changé à jamais. Papa, notre héros silencieux, cet homme réservé, un être lumineux, extrêmement généreux envers les autres, s’est éteint. Nous pensions, sportif qu’il était, qu’il dépasserait haut la main son père Arthur, décédé à l’âge de 94 ans. La vie en a décidé autrement. 

D’une grande économie de mots et de paroles, il a toujours été au service des autres. Vous aviez besoin d’aide? Vous appeliez Benoît et il volait à votre secours. En retour, vous lui offriez votre aide et il la refusait poliment. Donner sans compter, telle était sa devise.

Cinquième enfant de douze, né à Lauzon par une froide journée de janvier 1931, papa était connu comme étant le plus lourd bébé de la famille, à 12 livres et quelques onces. Est-ce ce qui explique que jusqu’à l’âge de 35 ans, il demeura chez ses parents? Je ne sais trop. Comme plusieurs de ses frères et sœurs, il a été pensionnaire. Ceux qui connaissent la maison du 40 rue Couillard comprendront qu’il était presque impossible d’y vivre à quatorze. Papa sort du Collège de Lévis et se dirige en commerce à l’Université Laval. Quelle ne fût pas notre surprise de réaliser qu’il était titulaire d’une maîtrise en sciences commerciales (comptabilité), obtenue en 1958! Pour nous ne saurons jamais quelles raisons, il n’a pas écrit l’EFU, afin de porter le titre officiel de C.A. Je peux cependant vous dire sans aucun doute qu’il était un vrai comptable : tous les fichiers Excel de budget, de conciliation bancaire et d’état des revenus et dépenses trouvés dans ses archives le démontrent!

D’abord comptable chez Jos Lahoud autos ltée – et propriétaire d’une mythique Volkswagen Beetle – il débute en 1963 sa carrière au ministère des affaires sociales. C’est là qu’il rencontrera sa biche d’amour, Rollande Côté, ma mère, de qui naîtront, en avril 1968 et en octobre 1970, deux enfants qui firent sa fierté. De 71 à 74, il se promène aux quatre coins du Québec, en tant que représentant financier au service d’analyse et contrôle budgétaire des hôpitaux. Il devient ensuite chef de division responsable de sept employés. En 1979, il passe chef de service aux transports ambulanciers et gère 15 employés. Sa plus grande réalisation? L’organisation du transport aérien des malades par l’acquisition de l’avion-ambulance – Valentine Lupien – et son opération.

Nationaliste convaincu, il a toujours rêvé de voir son Québec, qu’il connaissait du fond de sa poche, accéder au cercle des nations. Je me souviens des conversations animées lors des rencontres familiales durant la période René Lévesque, dont papa était un fervent fan. Je lui dois cette force de discuter des idéaux, quels qu’ils soient.

Nos premières années se passèrent à Place de la Monnerie, dans des blocs à appartements. En 1977, nous emménagions sur la rue du Château, à mi-chemin entre mes oncles et tantes sur Colonel Jones et Carré de Nevers. Après avoir hésité de très nombreuses années, papa fonçait afin de devenir propriétaire. Comme tous les jeunes de mon époque, je joue au hockey de septembre à février et au baseball le reste du temps. J’ai eu droit aux discours de gérant d’estrade après chaque match. Papa était malgré tout fier de moi, à preuve ces trophées qu’il avait fait faire à la suite d’années victorieuses dans l’atome et le pee-wee C. Nul besoin de dire qu’il était extrêmement fier de ses petits-fils Mathieu et Félix, hockeyeurs d’élite.

Véronique, ma sœur médecin de famille, est sa petite princesse. Lui, le seul et unique de sa famille à posséder un diplôme universitaire, papa d’une docteure! Wow! Il aimait beaucoup Nathalie, sa belle-fille qui elle aussi devint docteure. Et que dire de ses petites-filles, Roselyne et Laurence? L’éclat dans ses yeux était magique, lorsqu’il les regardait. Enfin, papa aimait beaucoup faire du vélo avec son beau-fils Michel et le seul et unique Thomas.

Papa nous a appris à faire notre propre trace dans la neige et dans la vie. Que ce soit en vacances à Hampton Beach ou ailleurs au Québec, il nous a toujours proféré l’importance de faire confiance aux gens, de s’ouvrir à eux pour comprendre l’histoire. Malgré qu’il ne soit jamais sorti à l’extérieur de l’est canadien et de la Nouvelle-Angleterre, il nous a encouragé, Véro et moi, à voyager aux quatre coins de la planète. Partout où nos pas nous ont mené, papa était avec nous en pensées. Il nous a montré l’importance de la famille, la fierté de porter un nom.

Benoît, le frère, le beau-frère, le collègue, le mari, le père, le beau-père a toujours été au service des autres, s’oubliant dans cette servitude. Le choc de son départ est terrible, car nul n’y était préparé. Il était le roc sur qui tous s’appuyaient, le phare qui nous guidait de ses feux lors des tempêtes. Malgré les coups durs de la vie – les taux d’intérêts à près de 20% en 1982, la mise en tablette au gouvernement, le cancer de la prostate – nous ne l’avons jamais entendu se plaindre.

Mon souhait le plus cher, en cette journée du 28 avril 2013, consiste à continuer à voir la beauté en toute chose, à m’émerveiller devant tout, comme papa le faisait. À accepter, sans critiquer, les coups durs de la vie. À briller dans la tempête.

Je souhaite que vous, lecteurs et lectrices de ces mots, puissiez vous aussi, à votre manière, faire vivre à votre entourage toute cette bonté qui habitait mon père.

Papa, après réflexion, je ne t’en veux pas d’avoir quitté subitement. Pour la première fois de ta vie, tu as pensé à toi. Je te souhaite de merveilleuses randonnées en vélo, en ski de fond et en raquette. Je te souhaite de visiter le monde, de marcher sur ces plages de Normandie où tes voisins sont tombés en 1944.

Je suis au mitan de la vie. Je te promets de faire le pont entre les enfants et les aînés. Je te promets de poursuivre ma destinée, car comme tu me l’écrivais lors d’une de tes rares envolées, en novembre 2010:
Ta mère et moi sommes émerveillés par tes écrits. Félicitations, mille fois répétées pour le premier anniversaire de ton blogue. Vraiment c'est réellement bien. Tes textes sont d'une sincérité époustouflante. Tes émotions racontées ainsi sont un cheminement très prometteur. Nous sommes heureux de cela. Continue de réaliser tes rêves. Tu suscites sûrement des idéaux chez certains de tes lecteurs. Bravo… bravo…
Papa, je ne te l’ai probablement jamais assez dit (ah les gars!!!!), je t’aime beaucoup. Je suis très fier de mon papounet. En ton absence, je vais prendre soin de maman et de Véro. On se revoit de l’autre bord.

Merci pour la vie et pour tout!

27 avril 2013

Merci au groupe 88 de la maîtrise en gestion de la formation

L’heure du souper, samedi. Nathalie prend une bière aux 3 Brasseurs avec ses étudiants de l’ESG, suite à un cours donné aujourd’hui. Les gars sont au tournoi de hockey AAA à Lachenaie. Roselyne dans un autobus Bell Horizon, quelque part sur la 87, entre New York et Montréal. Seul, installé dans une chaise Adirondack qui fait face au ruisseau Cordon-Savane, je laisse ma main courir sur le cahier de notes qui m'accompagne partout.

Malgré le flot incessant de véhicules sur le chemin des Patriotes, malgré le ronronnement caractéristiques des moteurs de Cessna 150 ou 172 qui survolent la maison, les mots me portent.

Le soleil brille dans un magnifique ciel bleu. Comme en ce 17 avril, jour du décès subit de papa à Québec. D’un simple arrêt cardiaque, qui ne faisait absolument pas partie des circonstances de mort possibles pour lui. Âgé de 82 ans, il était encore très actif, parcourant plus de 1 200 kilomètres de vélos par année. Je viens de compléter un autre weekend de classe au campus Longueuil de l’Université de Sherbrooke, situé à la station de métro du même nom au pied du pont Jacques Cartier. Je suis fier et heureux de cet accomplissement.

Seules les quatre filles de mon équipe connaissaient la grande tristesse qui m’habitait. Elles ont eu le respect du silence. Malgré le fouillis indescriptible qui règne en roi et maître dans mon cerveau depuis dix jours, j’ai décidé de présenter en classe hier matin. Ce fut une excellente décision.

Nous débutons le cinquième cours de la maîtrise en gestion de la formation. Il s’intitule « Stratégies de formation » et est donné par Gilles Chamberland, président de Chamberland Conseil. Un cours très axé sur la pratique et les diverses formules pédagogiques possibles. Tout au long de ces deux journées, nous avons expérimenté plusieurs formules, en changeant continuellement d’équipe.

Je suis un éternel apprenant, fin observateur de la vie et des gens qui la font. On dit que lorsque l’élève est prêt, le maître apparaît. Ce maître, dans mon cas, se nomme Jean-François Roussel, créateur de ce programme de maîtrise qui vise à professionnaliser les pratiques en gestion de la formation en entreprise.

En ce samedi soir où je rédige un hommage à mon père et prépare des photos pour la cérémonie qui se tient demain à Québec, j’aimerais remercier mes collègues du groupe 88 : Davone, Isabelle, Josée et Sarah (les Charlie’s Angels), Marie-Josée, Mylène, Sandra, Sophie Hélène (la gang de la santé), Fernande, France, Joseph, Liam et Max-René (la gang de la construction), Mylène et Sandra (mes nouvelles coéquipières), Catherine et Eve (mes complices du tout début, trio que nous nommons le Trio des Fantastiques Taureaux car nous sommes tous des taureaux).

Merci à vous toutes (désolé les gars, cette fois-ci, le féminin l’emporte…) pour vos rires, votre énergie, les discussions fort intéressantes pendant ce weekend. Grâce à vous, je réalise que malgré la douleur, la vie continue son petit bonhomme de chemin. Je suis très fier de faire partie de cette belle gang qui me permet d'élargir mes horizons et faire ce que j'aime: apprendre pour ensuite transmettre.

En octobre 2015, lorsque nous serons à Paris dans le cadre du séminaire international mettant un terme à cette belle aventure, mon papa sera à mes côtés.

26 avril 2013

Des souvenirs forgés par les photos?

Est-ce que vos parents prenaient beaucoup de photos? Lors de mon enfance, celles-ci se tiraient sous format diapositives. Mon père, mes oncles possédaient des centaines de ces diapos, insérées dans des carrousels. Une semaine de vacances? 2-3 rouleaux de 24 ou 36 poses. Il y eut ensuite les photos imprimées chez Direct film, que nous gardions dans des enveloppes ou dans des albums. Les prix commençaient à diminuer. Puis apparurent les caméras numériques, accompagnées de cartes mémoires de quelques Mb. Quelques dizaines de photos sur une toute petite carte. La possibilité de voir immédiatement le résultat, de retoucher avant de lancer l’impression… à la maison. La photo passa d’un art réservé à un petit groupe à une commodité dont tous peuvent profiter.

Aujourd’hui, en 2013, une très grande partie de la population se promène avec une caméra dans ses poches. Les téléphones intelligents possèdent presque tous une caméra qui de bien plus grande qualité que celle qu’utilisaient les professionnels il y a à peine 20 ans. Avec des applications telles Instagram, nous prenons une photo et la mettons en ligne immédiatement. Lors de ma présence aux Jeux de Vancouver, j’ai pris des centaines de photos, dont plusieurs dizaines avec mon iPhone. Je pouvais ainsi montrer à famille et amis où je me trouvais à l’instant même.

Des milliers de fichiers JPEG se retrouvent maintenant dans nos ordinateurs. Je me demande parfois si mes souvenirs de jeunesse n’ont pas été forgés par toutes ces séances de projection de diapositives dans les fêtes familiales des Côté. Cette image représente un échantillon de mes plus beaux souvenirs.


Devant moi, sur le dessus des bibliothèques blanches IKEA, il y a 27 albums photos. Ils contiennent l’histoire de notre famille, celle de Nathalie et Christian, avec Mathieu, puis Roselyne, Félix et les chats.

En regardant une, des photos, nous nous évadons dans les souvenirs. Les sons, les odeurs et les sensations reviennent. Les sourires se forment sur nos lèvres. Parfois, les larmes coulent. Bon vendredi!

25 avril 2013

Et si je me pointais ici tous les jours…

La nuit est encore nuit. Ma montre a sonné à 3 h 50. Ma belle grande fille Roselyne se trouve en ce moment dans un autobus Bell Horizon, en route vers New York avec son groupe de PEI (programme d’éducation internationale). Imaginez ce que dois représenter ce voyage pour elle! New York. Ville mythique. Cet après-midi, balade et magasinage sur la 5e avenue. Ce soir, repas sur Time Square. Demain, Central Park, le American Museum of Natural History, Wall Street, mémorial du 9/11 et la comédie musicale Spiderman sur Broadway. Samedi, Manhattan, Chinatown et retour. Wow!

Je suis de retour à la maison. Véro prend ma relève auprès de maman ce matin. La vie doit poursuivre son cours. Hier soir, j’ai soupé seul en tête avec maman à sa table, la 23, au restaurant Saint-Germain à Ste-Foy. J’y ai travaillé en tant que commis-débarrasseur puis serveur de 1986 à 1988. Je pense souvent à ces femmes qui m’ont poussé dans le derrière pour que je poursuive mes études et parte à la conquête du monde. Je leur dois en bonne partie cet intérêt envers les gens, leurs histoires et les lieux qui les ont marqués.

L’une de celles que j’appréciais le plus y travaille encore. Anne est dans la section du bar. Elle compte plus de 30 années de service à cet endroit. L’équipe de serveuses actuelle compte plus de quinze années d’ancienneté. Elles ont donc connu mes oncles et tantes, les frères et sœurs de ma mère, qui y étaient clients. Maman, lorsqu’elle s’y retrouve, se sent en famille. D’ailleurs, toutes les filles pleuraient à l’annonce du décès subit de papa. Ce que je trouve étrange, c’est que maman réconforte les autres. Oui, à la maison, quand j’étais dans le sous-sol, royaume de mon père, je l’entendais parfois pleurer ou « chicaner ». Cette semaine, j’ai découvert la force de caractère de ma mère.

En effectuant le ménage dans le bureau, j’avais parfois l’impression d’être voyeur. Vous savez, quand la curiosité envers la vie privée de vos parents vous prend et que vous n’osez pas trop, par pudeur et respect, fouiller dans les documents? Le décès de papa m’autorise à tout regarder, tout lire. J’en ai appris des bonnes durant ces sept jours. Papa est le seul diplômé universitaire des deux familles (12 de son bord et 13 de celui de ma mère). Je pensais qu’il avait un baccalauréat. Et bien non, il était titulaire d’une maîtrise en sciences commerciales (comptabilité)! Mieux encore, il a reçu son bacc avec mention cum laude. Je comprends donc l’extrême fierté qu’il avait envers Nathalie, docteure en administration et Véro, docteure en médecine familiale. Pas pour rien que dans l’avis de décès qu’il avait lui-même rédigé pour nous faciliter la vie (un vrai comptable prévoyant!!!), il appelait Nath et Véro docteure.

5 h 45. Le soleil se lève. Le ciel est gris pour la première fois en plusieurs jours. Le vent souffle, faisant rebrousser les poils de Kit Kat, notre minou gris et blanc. Il veut entrer dans la maison, miaule sur le rebord de la galerie en m’observant écrire. Et si je me pointais tous les matins devant le clavier, afin de publier un billet?

Je ne suis pas vraiment satisfait des premières semaines du reste de ma vie. Travailler moins pour écrire plus? En ayant quatre journées de travail? Dream on my friend. Pourquoi ne pas plutôt étaler mes 28 heures du lundi au vendredi, en travaillant de 10 h 15 à 16 h ? J’éviterais le traffic matin et soir et je pourrais me consacrer à l’écriture dès le lever. De plus, en effectuant du télé-travail le mardi, je pourrais augmenter ma productivité. Hmmm... Concept intéressant. Sera-t-il applicable? À suivre.

La trame d’un livre m’habite depuis plusieurs années. Les personnages principaux apparaissent dans ma vie à intervalle régulier. Embourbé dans le quotidien, je les écarte. Ils ont la couenne dure, car ils reviennent me hanter. Hier, installé sur une roche sur le bord du fleuve, j’ai créé une carte mentale de l’organisation du texte. Le choc de la mort soudaine de papa, qui était en pleine forme et devait s’éteindre dans plus de 12-15 ans, vient de déclencher un nouveau sentiment d’urgence.

Tout en haut de ma liste de rêves à réaliser trônent, depuis l’adolescence, plusieurs choses :

  • être un auteur connu qui publie autant pour les enfants que les ados et les adultes (ça s’en vient!)
  • piloter des avions (c’est fait depuis 2009! Je suis pilote privé)
  • toujours être jeune d’esprit (quoi de mieux que d’avoir trois beaux enfants et une blonde fantastique pour réaliser ça tous les jours!)
  • effectuer un tour de l’Amérique à vélo (j’ai retrouvé les cartes routières et le début de planification d’un itinéraire dans ma chambre à Ste-Foy!)
  • faire la piste Appalaches de la Géorgie au Maine (le cadeau de mes 50 ans?)
  • naviguer sur les mers du monde à bord de mon voilier (des nouvelles là-dessus bientôt)
  • découvrir les petites routes rurales de l’Amérique en roulant sur ma Harley Davidson

La liste est encore longue. Avoir des rêves à réaliser, ça maintient en vie. Je suis très fier du chemin parcouru à date et de celui à venir. L’urgence me portera à publier un livre. Dans cinq années, je pourrais partir de la Géorgie et me retrouver, 180 jours plus tard, dans le Maine. Je viens de trouver une raison de m’entraîner au Nautilus. Google m’a mené au site 5 millions de pas, qui relate le périple de Christian Letendre sur la Trail en 2010. Magnifique réflexion qui abonde dans le sens de mes réflexions actuelles :


La piste constitue en fait une excellente métaphore pour illustrer la vie. Les deux ont un début, les deux ont une fin; ce qui se passe au milieu ne regarde que vous. Il est facile de s’arranger pour arriver rapidement au bout et avoir l’impression de ne pas en avoir profité. Le mieux est de la vivre à son propre rythme, de prendre des pauses quand on est fatigué, de demander de l’aide quand on en a besoin et de vivre chaque moment pendant qu’il passe. Sur le sentier, on se fait souvent dire “Hike your own hike”. Appliquez la même philosophie à la vie, vous obtenez “Live your own life”.

24 avril 2013

Quand la tempête gronde...

Il me semble n’avoir jamais été aussi désespéré devant une page blanche. Le curseur me harcèle. J’ai l’impression qu’il me nargue, m’annonce que ma muse des mots s’est poussée. Mardi 23 avril, 23 h 22. Je pianote sur le clavier Microsoft neuf de papa. Dans le sous-sol de la maison où j’ai vécu de 1977 à 1988, avant de quitter pour découvrir le vaste monde. Dans soixante minutes, je viens au monde. Pour la 45e fois. Je suis né le 24 avril 1968, à minuit vingt-six.

Le 1er mars, j’écrivais que je débutais le 1er jour de ma nouvelle vie. Un an plus tôt, je demandais à la mort de me crisser patience. Elle m’a écoutée… 13 mois! Mercredi dernier, mon monde a basculé. À 15 h 33, mon iPhone s’est mis à vibrer. L’écran affiche : « Véronique – mobile ». L’horreur s’abat : « Papa est mort. En vélo. On se revoit à Québec dans quelques heures. »

Choc total. CHOC. TOTAL. Déni, tremblements. Je ferme la porte de mon bureau. Je hurle par en-dedans. Je tremble. Il me restait une journée de travail avant de débuter dix jours de congé bien mérités. Je ne comprends pas. Je pensais refaire le plein d’énergie pendant cette semaine. J’avise mon grand ami Frédéric, que je connais depuis septembre 1988. Nous travaillons ensemble à la CIGM depuis 2003. En me voyant, il m’offre immédiatement de venir me reconduire à la maison. Je refuse. J’aurais dû. Je n’ai aucun souvenir de ma traversée du pont Champlain. Que des hurlements, des pleurs et des torrents de larmes. Mon auto s’est rendue à la maison sur les réflexes. Elle m’a par la suite menée à Québec.

FUCK. T’as fucké le plan, crisse de vie de marde! Tu devais venir chercher maman en premier. C’est elle-même qui le dit! Pas papa. Tu t’es trompée!! Non. N. O. N.

20h. Arrivée à la maison. On se lance dans les bras l’un l’autre. « C’est un rêve hein, dis-moi que c’est un rêve? ». Ben non. Papa est là, étendu sur la civière à l’urgence. Il nous y attendait depuis 15 h. Véro lui tiens la main, je vérifie ses objets personnels dans le sac blanc. Arrêt cardiaque en faisant ce qu’il aimait : pédaler le visage au vent. Je caresse la belle tignasse blanche de mon papounet. La dernière que j’ai fait cela, je devais avoir moins de 10 ans. Il est là, il fait dodo. Il va se réveiller. Ce n’est qu’un putain de cauchemar sale. Nous avisons l’infirmière que nous quittons.

Les jours suivants sont une suite ininterrompue d’appels, de courriels, de larmes. Papa est l’exécuteur testamentaire « officiel » de la famille Côté et de certains Fortin depuis plusieurs années. Il m’avait parlé, lors du décès de mon parrain, qu’il avait préparé un fichier Excel contenant toutes les informations nécessaires. Tout y est! Incroyable. Véro et moi n’arrêtons pas une seconde. Un sentiment d’urgence nous habite.

Ma belle grande fille Roselyne, après huit mois d’entrainement à raison de 4-5 heures par semaine, participait aux championnats provinciaux de cheerleading au Centre Claude-Robillard à Montréal. Je ne pouvais rater cela. Les filles ont offert une superbe prestation et se sont classées 5e au Québec! J’y croise ma cousine et marraine Louise. Je reviens à Québec dimanche. Nathalie et les enfants m’accompagnent. 

Lors de ces brèves heures en dehors de Québec, j’ai eu l’impression d’être un militaire qui quitte la zone de combat pour retourner en arrière-ligne prendre du repos. Lorsque que Nathalie et les enfants sont partis après le souper, j’ai senti le poids s’abattre à nouveau sur mes épaules. « Je dois m’y remettre. » Dame nature coopère avec nous, en nous envoyant du soleil et du bleu à profusion. Je reçois des dizaines de messages de sympathies par courriel et par Facebook. Tous m’aident à tenir le coup.

Papa était un être exceptionnel qui a toujours fait passer la vie des autres avant la sienne. Toujours prêt à aider sans aucune réserve. Il aimait donner. Et pourtant, il était si secret. Aider était naturel. Demander, impossible. Depuis jeudi dernier, je plonge dans ma vie. Je me sens voyeur. J’espère, papa, que tu ne m’en veux pas trop de chercher autant dans tes classeurs, dans ton ordinateur. Je pense que la vie qui me pousse à écrire le fait afin de rétablir l’équilibre. Vous connaissez la théorie du balancier? Il était à un extrême, je suis à un autre. Auparavant, mes écrits restaient secrets. Aujourd’hui, une infime partie se retrouve sur internet. 

Malgré les apparences, je suis une personne très réservée, beaucoup plus apte à observer dans l’ombre qu’à prendre toute la place sous les feux de la rampe. Pourtant, une voix intérieure me pousse à écrire, à prendre parole pour tenter de rendre le monde meilleur. Un jour, je serai assis à une table dans un Salon du livre près de chez vous. Tel est mon destin.

Il y a cinq ans, je me jurais de débuter mon cours de pilote privé. J’ai obtenu mon permis en octobre 2009. Cette année, je me jure d’écrire enfin ce livre que je porte depuis si longtemps. Et de le publier. Parfois, la vie doit nous envoyer des messages très durs afin que l’on comprenne.

La vie peut vous lâcher n’importe quand. Prenez une feuille de papier. Écrivez vos rêves dessus. Et commencez à agir tout de suite.

Ça y est. J’ai officiellement 45 ans. Je débute la 46e année de ma vie. Le 1er mars, je pensais me rendre jusqu’à plus de 94 ans. Je n’en suis plus aussi sûr. Mon observation de la nature m’a appris une chose : l’arbre le plus fort plie sous les assauts du vent. Alors je plie et me laisse fouetter par la tempête que je traverse. J’en sortirai grandi.

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